Les Rencontres d'Occitanie sont un cycle de conférences-débats, lancé en 2017, par le Groupe La Dépêche du Midi. Chaque mois, des personnalités de premier plan viennent enrichir la réflexion des décideurs locaux sur des thèmes majeurs pour l'avenir de notre Région (recherche, éducation, culture, innovation, export, environnement, tourisme, aéronautique). Ces rencontres se placent au cœur des défis que doit relever l'Occitanie et se veulent être un outil de réflexion face à un monde en constante mutation. |
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Jean-Jacques Aillagon Ancien Ministre de la Culture et de la Communication
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Ministre de la Culture de 2002 à 2004, Jean-Jacques Aillagon a œuvré, en 40 ans de carrière, dans les plus prestigieuses institutions culturelles : l'École nationale supérieure des beaux-arts, le Centre Pompidou ou encore le domaine de Versailles. "Monsieur Culture" de Jacques Chirac à la Mairie de Paris, il a été l'un des acteurs de la décentralisation culturelle et a laissé son nom à la loi de 2003 sur le mécénat. Actuel conseiller culturel de François Pinault, il se consacre pleinement à l'installation de la collection d'art de l'homme d'affaires à la Bourse de Paris en 2018.
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Laurent Roturier Directeur Régional des Affaires Culturelles Occitanie
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Laurent Roturier a été nommé le 1er janvier 2016 premier Directeur Régional des Affaires Culturelles (DRAC) de la Région Occitanie / Pyrénées-Méditerranée. Depuis 2013, il œuvrait à la préfiguration de la fusion. Après avoir servi l'État en Aquitaine (Ministère de l'Éducation et DRAC), il a occupé des postes de DGA et de DGS dans des collectivités locales (Villes d'Annecy et de Bron) avant de pouvoir marier à Toulouse ses deux passions : la culture et l'action publique. Car ce haut fonctionnaire a un parcours atypique puisqu'il a embrassé à ses débuts une carrière de percussionniste et de flûtiste.
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La culture est un maillon essentiel de la société : elle favorise l'épanouissement individuel des citoyens mais aussi la cohésion des territoires, notamment à un moment où le repli et l'individualisme se renforcent. L'enjeu actuel est celui de la généralisation de l'offre culturelle. Cet aménagement, qui est une mission sacrée de l'État, passe par la décentralisation des arts, par exemple par la création d'antennes en province (du Louvre à Lens, du Centre Pompidou à Metz, de Versailles à Arras). Les acteurs publiques - en premier lieu le Ministre de la Culture - ont la responsabilité d'assurer l'égalité de traitement sur l'ensemble du territoire ; il s'agit d'un devoir démocratique. Mais l'État ne peut agir seul dans ce devoir de déconcentration des richesses artistiques, il doit faire confiance et partager son projet avec les collectivités territoriales, en particulier la Région et les Métropoles - dont le degré d'investissement est souvent sous-estimé -, et animer ce réseau. L'Occitanie peut contribuer à inventer un nouveau modèle de relations avec l'État, mais aussi avec les acteurs privés, et créer un cercle vertueux. En effet, notre région bénéficie de nombreux atouts, dont ses propres habitants n'ont souvent pas - ou peu - conscience : l'Occitanie est un livre ouvert sur les 500 millions d'années d'histoire de notre Humanité, de l'Homme de Tautavel au génie du peintre Soulages. Elle est ainsi la 2ème Région de France par son patrimoine (4 900 monuments inscrits) et la première par le nombre de sites classés à l'UNESCO ! Pour autant, son territoire est contrasté entre deux importants pôles urbains, Toulouse et Montpellier, et 4500 petites communes qui se sentent parfois loin, abandonnées voire exclues. À ce titre, les Métropoles ont, tout comme l'État, un devoir de solidarité territoriale. Toutefois, le développement culturel espéré peut achopper sur la faiblesse des fonds publics disponibles aujourd'hui. L'un des autres enjeux est la diversification des sources de financement, en faisant se rencontrer les acteurs de la culture et ceux de l'entreprise pour développer le mécénat, mais aussi les particuliers puisque le financement participatif a pris un essor considérable.
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Verbatim
- "La culture n'est pas un emplâtre sur une jambe de bois. Si elle n'accompagne pas les préoccupations des citoyens, elle finit par être rejetée car les Français ont avant tout pour priorité le travail, vivre convenablement et élever leurs enfants dans la dignité." Jean-Jacques Aillagon
- "Dans les périodes de tension budgétaire, il est rare que la dépense culturelle soit une priorité par rapport aux demandes sociales urgentes, d'emploi et de sécurité. Mais c'est une erreur." Laurent Roturier
- "Depuis la création spécifique d'un Ministère de la Culture en 1959, notre pays a tendance à penser que la culture et l'éducation sont deux choses différentes. C'est faux. Lire, écrire, apprendre l'histoire ou les sciences naturelles, c'est faire œuvre de culture. Je suis favorable à un rapprochement radical des Ministères de la Culture et de l'Éducation. Il n'y a pas de grande politique culturelle sans grande politique éducative." Jean-Jacques Aillagon
- "On met souvent en avant l'importance du tourisme dans notre pays, qui se flatte d'être l'une des premières destinations du monde, mais cet attrait tient à l'abondance de notre proposition culturelle. Que serait Paris sans le Louvre, le Musée d'Orsay, le Centre Pompidou ou le Château de Versailles ? La culture est l'un des principaux ressorts de cette intensité." Jean-Jacques Aillagon
- "On va faire de l'Occitanie un laboratoire de l'itinérance en 2018. C'est l'un des axes majeurs de nos travaux. Je crois qu'il faut qu'on aille beaucoup plus sur le territoire qu'on ne le fait. C'est l'enjeu numéro 1 : garantir aux jeunes l'accès aux arts et à la culture." Laurent Roturier
- "Je déteste le terme de "zone blanche" ou de "désert culturel". Ça n'existe pas : il y a des territoires éloignés des sources culturelles, mais il y a toujours chez eux un patrimoine, un chantier archéologique, un édifice. On a toujours les moyens d'agir sur nos territoires pour peu qu'on mette en relation celles et ceux qui agissent." Laurent Roturier
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Quel rôle peut jouer la culture populaire de territoire, dite "folklorique", dans l'aménagement du territoire ? Catherine GALEY-LABAUTH, Responsable bénévole de l'Association "Les Bethmalais" et du Festival RITE à Saint-Girons, en Ariège
Laurent Roturier : "Les cultures traditionnelles font partie intégrantes de la politique de la DRAC, non pas avec un regard passéiste et fermé, mais en regardant comment la culture de nos ancêtres peut s'apprendre et se transmettre. Les associations jouent un rôle essentiel dans ce partage." Jean-Jacques Aillagon : "Pour ma part, j'ai la conviction qu'aucun individu n'est dépourvu de culture, même si elle peut être sommaire, moins enracinée ou moins ouverte sur l'innovation. Tout Homme est porteur d'une culture. Il faut être très attentif à toutes ces expressions, même modestes, car elles sont solidement amarrées à la ruralité."
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Monter un projet culturel au niveau communal est extrêmement difficile, ne serait-ce que par la multiplicité des interlocuteurs. Ne pensez-vous pas que la mise en place d'un guichet unique, où chacun viendrait présenter et défendre son territoire, serait utile ? Mireille GARCIA, Maire de Vieille-Toulouse en Haute-Garonne
Laurent Roturier : "Le territoire doit s'organiser pour porter des projets culturels importants et l'une des échelles pertinentes est l'intercommunalité parce qu'il est impossible pour nos 4 500 communes d'y arriver seules. À partir de là, la DRAC a commencé à nouer des partenariats avec des intercommunalités - il s'agit de "convention territoire culture" - pour les aider." Jean-Jacques Aillagon : "Je ne crois pas au guichet unique. D'une part parce que chaque collectivité a une vision propre et singulière de son territoire et d'autre part parce que ce type de guichet conduirait à une sorte de bureaucratisation et à un assèchement des relations entre collectivités et acteurs culturels."
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Il existe beaucoup d'événements culturels en Occitanie, de Nîmes à Marciac, mais aucun d'une dimension nationale ou internationale. Comment faire pour que l'un d'eux émergent comme dans d'autres régions ? Christian LIBEROS, Directeur Associé de KPMG France
Laurent Roturier : "L'Occitanie compte plus de 220 festivals et certains territoires ont créé une marque à partir d'un événement comme Marciac avec le Festival de jazz. Mais il manque un événement qui renforcerait les valeurs d'ouverture que nous voulons porter. Cet été, nous avons testé une initiative des FRAC sur le Canal du Midi, qui est un symbole fort de notre union. On tient là un symbole fort. Pourquoi pas une Biennale sur le Canal ?" Jean-Jacques Aillagon : "En 2015, Olivier Poivre d'Arvor avait été nommé Ambassadeur de l'attractivité culturelle en France par le Ministre des Affaires Étrangères et avait créé un "Grand Tour" des événements à ne pas manquer. Parmi eux : Marciac et le Festival Radio France de Montpellier. Il est vrai que votre voisin de PACA a une moins grande diversité mais trois festivals saillants au retentissement national ou international (Avignon, Aix et Cannes). L'Occitanie doit soit faire que l'un de ses événements prenne une telle importance, soit en créer un autre. Mais ça ne pourra pas venir d'un décret du Ministère de la Culture ! Aux territoires de prendre des initiatives."
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Comment améliorer la visibilité de la culture, et notamment des arts visuels, à la télévision ? Florence VIGUIER-DUTHEIL, Conservateur en chef du Patrimoine et Directrice du Musée Ingres à Montauban, Tarn-et-Garonne
Jean-Jacques Aillagon : "L'insuffisance - ou la suffisance - de l'engagement culturel des télés et radios publiques est un vieux débat. Elles ont en tout cas le devoir de servir la culture le plus largement possible, en mettant en avant la richesse des initiatives. Il appartient au Ministre de la Culture - qui est l'autorité de tutelle de l'audiovisuel public - de leur imposer de s'intéresser à autre chose que les divertissements."
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Brigitte QUILHOT-GESSEAUME, Déléguée académique à l'éducation artistique et culturelle auprès de la Rectrice de l'Académie de Toulouse
"Je voudrais témoigner de l'engagement de l'école dans l'amplification culturelle, qui est d'ailleurs inscrite dans la loi de refondation de l'école. Il y a une réelle mobilisation de tous les acteurs, parce que c'est là que se construit la société de demain qui portera haut les couleurs de la culture. Je peux y voir tous les jours à quel point les enfants, à qui on propose des activités culturelles, deviennent des personnes heureuses et trouvent mieux leur place dans la société."
Jean-Jacques Aillagon : "Je ne voudrais pas qu'il y ait de confusion : la culture est déjà à l'école, c'est même l'objet de l'éducation. L'éducation sans culture serait terriblement appauvrie. Et je suis de ceux qui espèrent qu'un jour on franchira le pas de créer un seul et même Ministère de la Culture et de l'Éducation."
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Comment la culture peut recréer un sentiment d'appartenance et de fierté à notre région toute nouvellement créée ? Jean-Louis CHAUSY, Président du Ceser Occitanie (Conseil Économique, Social et Environnemental Régional)
Jean-Jacques Aillagon : "L'Occitanie a une chance immense : ce territoire correspond déjà à une réalité historique forte, enracinée dans la romanité et le Languedoc de l'Ancien Régime. D'autres régions ne correspondent à rien et sont sans identité spontanée, comme le Grand Est qui va des portes de l'Ile-de-France au Rhin." Laurent Roturier : "Dans ce monde qui s'ouvre formidablement, on assiste aussi à un mouvement de fermeture. Le sentiment sur lequel nous devons travailler est celui d'une double appartenance : à l'Humanité - dont le seul point commun est d'être tous différents -, et à notre Région qui a toujours été ouverte. Les migrations, le brassage, la tolérance, l'accueil de l'autre, voilà notre culture. Il nous faut le rappeler dans cette période de tensions et de repli."
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Conclusion des débats
Des idées pour agir en Occitanie : les pistes de réflexion de Jean-Jacques Aillagon et Laurent Roturier - Au niveau de l'État, les Ministères de la Culture et de l'Éducation devraient être placés sous l'égide d'un chef d'orchestre commun, voire fusionner ;
- Outre les Régions, les Métropoles doivent travailler à irriguer l'ensemble du territoire en matière culturelle : elles sont de véritables acteurs de la décentralisation ;
- La compétence "culture" devrait être systématiquement transférée de la commune à l'intercommunalité, qui est une échelle plus efficiente pour porter des projets très mobilisateurs en ressources financières et humaines ;
- L'Occitanie devrait devenir un laboratoire de l'itinérance culturelle afin de défendre ses valeurs historiques mais aussi mieux irriguer l'art sur son territoire ;
- Un événement culturel phare pourrait être construit autour du Canal du Midi, véritable trait d'union de notre nouvelle région Occitanie.
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Pour toute information : contact@rencontres-occitanie.fr Tél. : 05 62 11 37 46
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Pour connaître les prochaines dates :
www.rencontres-occitanie.fr
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